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Magazine - Mardi 24 avril 2018 |
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Le tournesol médiéval
Extrait tinctorial : Le tournesol médiéval Le mot tournesol est au Moyen Age un mot générique qui désigne plusieurs espèces de plantes. Les formes "tournesol", "tournesot" ou encore "tornisot", ou "tornissot" sont clairement mentionnées dans le Mesnagier de Paris, ouvrage de référence d'instruction religieuse et morale, d'économie domestique et culinaire de la toute fin du XIVe siècle. Mais alors que penser puisque le tournesol que nous connaissons n'est introduit en Occident qu'après la conquête des Amériques par Christophe Colomb, soit bien à la fin du Moyen Age ? L'espèce dont il s'agit est aussi connue sous le nom de Chrozophora tinctoria (L.) A.Juss.1, c'est-à-dire la maurelle ou croton des teinturiers (Croton tinctorium L.). Ce tournesol dit médiéval ne fait pas partie de la famille des Héliotropes (du grec "heliotropion", "qui se tourne vers le soleil") mais de celles des Euphorbiacées et c'est là que se trouve toute la nuance.
1 - Le tournesol comme couleur végétale Très prisé des peintres, enlumineurs et miniateurs médiévaux, ce "tournesol" ou plutôt folium a la particularité de virer en fonction du milieu dans lequel il se trouve. La teinture de tournesol était donc bien connue et maîtrisée au Moyen Age pour son emploi comme réactif. Il n'était pas rare, par exemple, de laisser macérer les capsules des graines dans de l'urine pour obtenir un rose violacé.
Le manuel de référence pour l'enlumineur reste le traité italien De Arte Illuminandi3 d'un auteur anonyme composé à la fin du XIVe siècle. Grâce à cette plante toute une palette de couleurs était ainsi obtenue : au contact du milieu acide, elle virait au rouge alors que l'on pouvait obtenir un beau bleu en milieu alcalin et en milieu neutre un violet. On y apprend d'ailleurs au passage que "pour enluminer il faut huit couleurs : le noir, le blanc, le rouge, le jaune, le bleu, le violet, le vert, le rose. Ces couleurs se trouvent chez les marchands et se préparent par l'artiste. Elles se broient sur la pierre de porphyre avec de l'eau ordinaire." Mais là, ne se résumait pas l'utilisation de la maurelle puisqu'elle était aussi utilisé comme aromate aux propriétés d'un colorant alimentaire. 2 - Le Tournesol comme aide culinaire "La cuisine médiévale offre les mélanges de saveurs les plus élaborés" précise Olivier Smadja dans son "Introduction à la cuisine médiévale" :
La cuisine médiévale est également une cuisine de couleurs.
Le Viandier de Guillaume Tirel dit de Taillevent, autre ouvrage culinaire de référence, souligne aussi son emploi :
Il est intéressant de noter que l'on utilise une autre matière colorante : l'orcanette afin de donner une couleur rouge. Elle semble par ailleurs aussi bien convenir que le tournesol. Voici à présent quelques recettes extraites du Mesnagier de Paris :
[...] Pour potages 3 - Le Tournesol en médecine ? On peut se poser la question puisque l'extrait de tournesol employé comme réactif fut isolé vers 1300 par l'alchimiste et médecin maître Arnoul de Villeneufve4 (1240 ? - 1311). N'a-t-il pas utilisé ce réactif pour "congnoistre" les urines dans son traité Regimen sanitatis Salernitacum en françoys5 même s'il apparaît encore que l'observation à l'oeil nu reste majoritairement utilisée (cf. le dernier chapitre du recueil notamment). Il réunit cependant dans cet ouvrage de conseils diététiques et d'hygiène, les doctrines médicales de son temps tout en rassemblant la flore (médicale) connue6. 4 . De nos jours Le papier tournesol ou de tournesol est un papier qui sert à déterminer le pH d'une solution. Il réagit à l'acidité et à l'alcalinité en changeant de couleur au contact de la substance à tester. Il est donc un cas particulier de papier pH. La modification chromatique est fonction du pH de cette substance :
Elisabeth Féghali Notes : 2 "Folia tria sunt genera, unum rubeum, aliud purpureum, tertium saphireum..." 3 le traité italien De Arte Illuminandi (l’Art de l’Enluminure) deuxième moitié du XVe siècle (Naples, Bibliothèque Nationale, ms. XII.E.27). Le manuscrit de Naples (c.1350-1400), connu sous le nom du De Arte Illuminandi nous fournit, à la fin du Moyen Age, le document le plus complet consacré à cette forme d'expression 4 Arnald de Villanova, Arnaldus de Villanueva, Arnaldus Villanovanus, Arnaud de Ville-Neuve ou encore Arnau de Vilanov 5 "Souverain remède contre lepydemie traicté pour congnoistre les urines. Remède très utile pour la grosse verole." 6 site Medarus Références : Le ménagier de Paris, traité de morale et d'économie domestique composé vers 1393 : contenant des preceptes moraux, quelques faits historiques,.... Tome 2 / par un bourgeois parisien ; publié pour la première fois par la Société des Bibliophiles françois Les traditions techniques de la peinture médiévale de Guy Loumyer Louis Dimier, L'Art d'Enluminure (De Arte Illuminandi, texte anonyme du 14e siècle traduit du latin), Edition Louis Rouart et Fils, Paris 1927. |
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© Citadelle 1999-2018, Elisabeth & François-Xavier Féghali. Tous droits réservés.
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